Hardcover, 192 pages, French/English
Les œuvres de Marc Bauer procèdent d’une archéologie, elles creusent dans le passé et font remonter à la surface du temps les restes froids des tragédies anciennes pour les accommoder avec les fêlures du présent. Ses dessins, souvent scandés par la présence de textes lapidaires, parfois violents, en appellent à une poétique singulière, mélancolique autant que vénéneuse.
Cette exposition est la troisième de l’artiste au FRAC Auvergne et clôt un cycle débuté il y a une douzaine d’années. En 2009, l’exposition Laque et le livre Steel concernaient la question du pouvoir. En 2014, Cinerama et le livre The Architect poursuivaient la réflexion sur la question de l’interprétation des événements historiques. Avec L’État de la mer et le livre White Violence, la perspective historique est résolument plus frontale car plus actuelle, tournée vers la violence de la tragédie migratoire dont nous sommes les témoins.
Le point de départ de ce projet fut une image parue le 12 juin 2018 dans le quotidien Le Parisien. Elle montrait le navire Aquarius sauvant des migrants des eaux de la mer Méditerranée. À partir de ce document, Marc Bauer entreprend des recherches approfondies, parcourant l’histoire de l’art en quête de naufrages et de drames maritimes, établissant des liens entre l’autrefois et le maintenant pour pointer la violence contemporaine en la soulignant par ses précédents historiques. De l’art égyptien aux ex-voto, de l’antiquité grecque au scandale de la Méduse peint par Géricault, des gravures de négriers aux images de déportés juifs, du traitement des migrants vendus tels des esclaves en Libye jusqu’aux déclarations de l’ex-ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini, il s’agit de viser le présent, notre présent. Comme le précise l’artiste à propos de la crise migratoire, «le traitement médiatique de ces drames met principalement l’accent sur le nombre de morts, de disparus ou de rescapés mais rarement sur le destin individuel de ces personnes. L’information est traitée d’un point de vue très euro-centré, blanc, avec tous les préjugés raciaux que suppose une telle vision. Je pense aussi que chacun de nous ressent un certain malaise face à ces images, car à les voir, on sent bien que ce qui nous place du « bon côté », c’est-à-dire celui des privilégiés, est purement le fruit du hasard.»